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ECRITURE ET ORIGINALITE
par David Sicé.

 

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De l'originalité

Beaucoup de jeunes auteurs prétendent vouloir écrire quelque chose de plus original que les autres. Beaucoup d'auteurs moins jeunes prétendent avoir écrit quelque chose de plus original que les autres.

Dans le premier cas, c'est seulement un prétexte pour ne pas écrire plus. Dans le second cas, c'est un mensonge éhonté, ou une grossière erreur par ignorance. En effet, rien n'a jamais été, n'est ou ne sera « original » en fiction, dans le sens de premier de son espèce, complètement nouveau ou tout ce que vous pouvez fantasmer d'autre sur ce que ce mot peut bien désigner.

 

*1*

Rien n'est original

« Original » fait partie de ces mots creux du vocabulaire humain, comme « temps », « énergie », « intelligence », « vérité », « réalité », « spontanéité », « hasard ». Ces mots sont utilisés par tout ceux qui prétendent avoir la science infuse pour faire taire ceux qui ont de ne pas débrancher leur cerveau et mourir idiots et manipulés.

Shakespeare est-il l'auteur original de Roméo et Juliette ? Non, à supposer même que ce nom désigne un seul et même auteur, il a repris des légendes, elles-mêmes possiblement inspirées de faits divers qui se répètent à chaque instant à travers la planète, à travers l'histoire de l'Humanité et même à travers celle du règne animal.

Voyons, êtes-vous naïf au point de croire que les parents (frère, sœur etc.) ne se mêlent pas de la sexualité de leurs enfants depuis la nuit des temps et ne les ont jamais poussés à la fuite, au meurtre et / ou au suicide ? Vérone n'est qu'un décor, tout n'est que de la mise en scène et / ou de l'habillage, et la métrique, les rimes, ne sont des effets de manches qu'un ordinateur peut aujourd'hui reproduire : rien n'est original.

 

*2*

Pour être original, censurez vos prédécesseurs.

La Fontaine glorifié pour ses fables n'a rien fait d'autre que de reprendre Ésope et il l'écrit fort honnêtement en ouverture de son recueil (difficile cependant pour lui de prétendre le contraire à une époque où les gens éduqués « faisaient leurs humanités » donc lisaient Ésope en grec et en latin) : rhabillage et mise en vers, puis variation sur un thème au moyen de ce qu'on a appris en recopiant.

Les Fables d'Ésope ne sont elles-mêmes qu'une collection d'histoires drôles et / ou édifiantes à se raconter à table. Elles se sont construites et continueront de circuler comme n'importe quelle histoire drôle, rumeur ou légende urbaine depuis les cours de maternelle jusqu'aux couloirs de l'hospice.

Alors bien sûr, il suffit de couper la première page des Fables de La Fontaine et de pérorer sans fin sur le génie de cet auteur pour réécrire l'histoire et le prétendre original. Même combat pour Molière et les autres : des pages et des pages d'auteurs latins ou grecs remis au goût du jour. Mais bien sûr, si l'on n'apprend plus le latin ou le grec par faute d'autorités incompétentes et / ou peu scrupuleuses, impossible de s'en rendre compte, surtout si l'on n'a plus en main que des traductions adaptations qu'on est soi-même incapable de vérifier.

 

*3*

Rien ne se crée, tout se transforme

Un auteur ne crée rien d'original : il transforme ce qui a été raconté avant lui ou devant lui ou a été vécu par lui.

Certains se tournent vers la Fantasy ou la Science-fiction pour prétendre écrire quelque chose de neuf. Le hic, c'est que le récit merveilleux n'a jamais été original : c'est même exactement le contraire. Mythes, légendes, contes, délires, inventions, anticipations… le principe est toujours le même : on part de ce qui existe et on le traduit symboliquement, analogiquement.

L'histoire est la même, qu'il s'agisse de Bruce qui veut réussir à convaincre Amanda qu'elle l'aime malgré l'hostilité de leur entourage ou de Toni l'italien qui ne rêve de que de roucouler avec Maria la portoricaine tandis que leurs bandes respectives se disputent le quartier...

... Ou du Prince Henri (le premier alpha mâle venu brandissant à toute occasion sa longue épée et lance facilement son cheval au galop, à savoir ses pulsions sexuelles) qui tente de délivrer la pauvre princesse Églantine des ronces enchantées (elle est entourée de clitoris mal intentionnés), de sa haute tour (elle est prétentieuse et isolée), de la sorcière dragon (son chaperon est une s.l.pe) et de son coma profond (elle n'est pas encore éveillée à une sexualité saine et ludique)...

... Ou encore de Ripley la guerrière armée de son gros fusil à plasma (phallus crachant le feu salvateur) qui veut liquider les œufs de la reine Alien (la mère féroce dévoreuse et castratrice oeuvrant nuit et jour pour que son héritage empoisonne la vie de ses enfants et du reste du monde jusqu'à la fin des temps : elle est moche et prisonnière de son boulot de pondeuse, pas de raison que les autres filles ne finissent pas comme elle) pour délivrer une petite fille éplorée (la vierge sur le point de devenir une femme) sur une planète étrangère en cours de terraformation (le monde hostile en voie de civilisation).

 

*4*

Une question d'efficacité

Il n'y a rien d'original et dans aucune histoire. Seulement une mise en scène beaucoup plus percutante, et souvent beaucoup plus pertinente, dans un monde où le langage est sans arrêt censuré, détourné, tordu afin d'offrir toujours plus de pouvoir à ceux qui peuvent faire le plus de mal. Alors que peut faire un auteur pour être plus « original » que les autres ?

N'allez pas croire une seule seconde que la littérature dite « générale », soit plus « originale » que la littérature merveilleuse : les auteurs de Science-fiction sont contraints et forcés par la nature même du genre de leur récit d'user de plusieurs voix pour raconter leurs histoires. Ils peuvent ne pas en être conscients et se vautrer lamentablement.

Mais les auteurs de littérature générale partent habituellement avec deux handicaps majeurs : d'abord l'ignorance de toutes les compétences qui naissent d'avoir à se décaler manifestement de la réalité, et de se brancher directement sur le rêve, le mythe et l'inconscient ; ensuite le mensonge absolu et vicieux de du récit réaliste qui prétend être réalité tandis que le merveilleux affirme d'entrée de jeu décrire des objets qui n'existent pas.

 

*5*

De la prétendue réalité

La vie quotidienne est pleine de gens qui prétendent être ce qu'ils ne sont pas (des bons patrons, des bons professeurs, des bons parents, des professionnels compétents, des banquiers prudents, des commerçants honnêtes, des forts respectueux des faibles), et les mêmes raconteront que jouer à un jeu de rôles en connaissance de cause rend fou ? Alors qu'ils ne cessent d'intoxiquer leurs prochains en réécrivant constamment la réalité à la sauce qui les arrangent et ne vous arrangera jamais.

N'essayez pas d'être un auteur original, en tout cas dans votre art, vous ne serez qu'un mensonge ambulant de plus, ce qui n'a rien d'agréable et est le pire des calculs à moyen et long terme. Sauf si bien entendu vous avez opté pour le « côté sombre de la Force » et n'avez pour seul but que d'être qu'un imposteur.

 

*6*

Des jeux d'égo

La majorité des lecteurs / critiques / auteurs méprisent la Science-fiction simplement parce qu'ils sont incapables d'en écrire ou d'en apprécier la lecture et que cela les stressent : un tour de dépréciation et ces illettrés se sentent toute suite mieux en brandissant le dernier Goncourt ou je ne sais quel autre prix « vu à la télévision » ou « conseillé par votre libraire ». Flatter l'ego du client est la première règle pour qu'il lâche son fric, pas un critère de réussite créative.

Ce qui ne veut pas dire que le dernier Goncourt ou je ne sais quel autre prix ne peut pas être le plus fabuleux des récits. Seulement que ce n'est pas l'étiquette qui apporte l'ivresse... ou la satiété.

Or le récit de littérature générale qui va toucher son lecteur n'est autre que le récit merveilleux qui se sera travesti en récit réaliste : prenez n'importe laquelle des histoires réalistes qui aura impressionné et continuera d'impressionner ses lecteurs sans qu'aucun grand groupe de communication ne se soit amusé à trafiquer les statistiques et enfoncer de la propagande à longueur de journée dans la tête des gens.

Et vérifiez ensuite si vous ne retrouvez pas à tous les coups le récit fantastique qui raconte la même histoire, les mêmes émotions, les mêmes expériences humaines, au moyen d'un code différent certes, parfois plus explicite, parfois réservé à ceux qui ont pris l'habitude de le déchiffrer avec plaisir.

 

*7*

Le langage profond d'un récit

Car au même titre qu'il y a sous les mots français, anglais, espagnols, russes, chinois etc. un langage plus profond, fait d'idées remarquables et non d'enchaînement de sons équivoques, il y a sous les récits merveilleux ou réalistes des histoires profondes, capables de prendre autant de masques que la combinatoire des éléments d'une culture donnée peut livrer.

Si vous parvenez à exprimer l'un ou plusieurs de ces récits profonds à travers votre création, vous toucherez votre lecteur et il se souviendra de vous. Mais cela ne veut pas dire que vous deviendrez riche, beau et célèbre dans la minute pour autant.

 

*8*

L'originalité est une quête vaine
La simple combinaison des idées suffit à tout recréer.

L'originalité est une quête vaine au point qu'un langage artificiel basé sur le codage des idées comme le Rémaï permet de retrouver tous les récits de l'humanité par simple combinatoire, c'est-à-dire juxtaposition de mots idées dans des structures grammaticales correctes mais vides de sens.

Il faut le voir pour le croire : l'Intelligence n'est que Langage, et le Langage n'a pas besoin d'Intelligence pour paraître doué de conscience et même de la plus élevée et subtile des consciences. Oubliez ceux qui ressassent des credos d'un autre temps à seule fin de flatter leur ego et de prétendre que vous êtes stupide alors que d'autres qu'ils désigneront seront les plus intelligents, simplement parce qu'ils l'ont dit.

 

*9*

L'intérêt supérieur d'un récit vient de vous

L'originalité, au sens cette fois de l'intérêt supérieur d'un récit qui fait qu'un lecteur s'y investira et s'y attachera, c'est vous et personne d'autre que vous. Le seul fait que votre voix chante de ce que vous racontez fait de ce que vous racontez une œuvre originale.

Si vous-même choisissez d'être individu qui doit croire tout ce qu'on lui dit de croire, qui doit répéter tout ce que les moutons racontent, et consommer les mêmes dix produits parce que cela arrange l'avidité de je ne sais qui on ne sait où, alors oui, ce que vous pourrez dire, raconter, chanter, dessiner, danser sera moins intéressant.

 

*10*

L'auteur proche à travers le récit

Retournez aux œuvres écrites, lues, chantées, jouées, filmées, construites par leurs auteurs et réalisez qu'à travers ce livre de papier, ces images mouvantes sur l'écran, ces voix et ces instruments, ces corps en mouvement ou cet objet placé là sur votre chemin, vous entrez dans le cœur d'un autre être (humain) possiblement mort depuis des milliers d'années, et c'est son souffle qui vous traverse.

Écrivez – créez, et votre souffle traversera le cœur d'un autre, d'une autre. Il le fera changer et vibrer, pas parce que vous avez été « original », mais parce que c'est vous et parce que c'est lui ou elle. Et plus vous vivrez, et plus vous « chanterez », plus ce que vous créerez aura de l'intérêt pour les autres.

 

FIN

 

 

David Sicé.

 

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