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STRIKE

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JEUDI 1er SEPTEMBRE 2005

Tous droits réservés : texte David Sicé, illustrations : leurs auteurs.

 

 

LA ROSE D'ISPAHAN

David Sicé

 

A Thierry Dalmasso et à David Lunde,

 

 

Le vaisseau hurlait dans la nuit.

Ils disent que les sons ne se propagent pas dans l'espace, mais c'est faux.

A leur échelle peut-être, pour des oreilles humaines. Mais les ondes de douleur et d'horreur voyagent très bien le long des murs de galaxies – il n'y a qu'à se concentrer pour les ressentir. A ajuster vos sens à la réalité à laquelle vous souhaitez appartenir.

 

La Nouvelle Rose d'Ispahan avait été brûlée trois fois par les vomissements de lumière cohérente du Rédempteur. Trois brèches énormes s'étaient ouvertes dans son flanc rongé par les flammes. Aussitôt, les parasites de l'hyperespace s'étaient rués sur les issues remplies de chairs grillées, sanguinolantes ou tuméfiées.

Leur agonie serait brève.

« Mon Dieu, Bouddha, Yahvé... », toutes leurs suppliques montaient vers moi. Je changeais de niveau de conscience : cela ne m'intéressais pas. Seule ma pauvre Rose m'intéressait.

Lorsque comme moi, on se prend – ou plutôt se surprend – à exister par-delà les planètes, et les contre-vérités, une tendre compagnie devient trop vite un don de l'existence encore plus difficile à recevoir qu'au temps où l'on avait encore sa place, au creux des légions des fantômes du présent révolu.

Ma Rose ! Comme n'importe lequel de ma nouvelle espèce, j'avais d'abord cru avoir été leurré par ton chant de sirène. Tu prenais le visage de la plus douce des amantes, et ton coeur s'ouvrait au mien, comme l'aurait fait celui de la plus chère de mes amies. Tu n'étais qu'un vaisseau – une étincelle de conscience conçue par des fourmis, les rejetons infâmes d'une lèpre de bactérie, pour les transporter d'un point à un autre d'un univers unique, linéaire, tout à fait confiné à la notion cynique de dimension, d'espace, et de temps.

Au risque de me perdre, j'ai cessé d'écouter ma raison : je me suis ajusté, et, réduit à l'espèce humaine, oui j'ai voulu te pénétrer, et t'arpenter, et te caresser, de l'intérieur... Au risque de me perdre !

Et voilà qu'à présent je me retrouve témoin de tes derniers instants, l'impensé spectateur de ton déchirement... Je peux entendre vos prières, mais je ne suis pas un dieu ! J'ai entendu ton cri, sans pouvoir de sauver.

Seulement de m'ajuster.

Et de recueillir... ta dernière larme.

 

FIN

 

 CAPTAIN STRIKE est un fanzine électronique

de courts récits de space opera .

Texte tous droits réservés David Sicé.