ECRITURE - SCIENCE-FICTION - LANGUES - MUSIQUE - BLU-RAY - LIENS

Les yeux sans visage, le film français de 1960 de Georges Franju

Article précédent - Index des récits de SF chroniqués - Article suivant

par David Sicé

Une femme (Alida Valli) roule en deux-chevaux sous la pluie, dans la nuit, avec sur sa banquette arrière, affalée, une silhouette emmitouflée dans un pardessus et le visage dissimulé par un chapeau mou et des lunettes de soleil. La femme d'arrête au bord d'un canal, empoigne le corps sous les bras, qui n'est autre que celui d'une autre femme pieds nues, et elle la jette dans l'eau.

Plus tard, un éminent chirurgien, le professeur Genessier (Pierre Brasseur), fait une conférence à propos de la transplantation d'organes ou de tissus vivants d'un individu à l'autre, et du rejet habituel de ces greffes. Il doit quitter rapidement les lieux de la conférence car la morgue vient d'appeler à propos de sa fille disparue. La police est en effet persuadée que le corps qu'ils viennent de retrouver est bien celui de la jeune fille dont le visage aurait été détruit par un accident de voiture. Le problème est que le signalement de la noyée correspond à celui de Simone Tessot, une autre disparue. Par ailleurs, la noyée était nue sous son manteau, ce qui parait curieux dans le cas d'un suicide comme celui présumé de la part de la fille du professeur Genessier.

Ce dernier, venu reconnaître le corps, est cependant formel : c'est bien Christine, sa fille, dont pourtant il ne reste que les yeux du visage. Au père de Simone Tessot, la police affirme alors qu'il ne s'agit pas de sa fille. Cependant les deux hommes se croisent à la sortie de la morgue. Le père éplorée de Simone veut savoir si le professeur est absolument certain que c'est bien sa fille. Le chirurgien lui répond froidement qu'il est curieux qu'il doive le réconforter, alors qu'à lui, il lui reste au moins un espoir.

Le lendemain, la femme à la deux-chevaux suit les jeunes filles dans Paris. Elle surprend la conversation de l'une d'entre elle, Juliette, qui recherche une chambre. Et elle se met à la suivre de plus près...

***

*** Pour adultes et adolescents***

Attention, c'est un film d'horreur, et même s'il est en noir et blanc et date de 1960, il vaut mieux éviter de le montrer aux moins de 12 ans et aux personnes sensibles car au moins une scène est à la limite du soutenable, et plusieurs autres sont très dérangeantes.

Les yeux sans visage est l'adaptation d'un roman grand guignol de la collection Angoisse fleuve noir comme il y en a, déplorablement, tant d'autres dans cette collection. Franju et son équipe vont opérer un grand nettoyage du scénario, afin non seulement de respecter les impératifs du producteur pour échapper à la censure, mais surtout pour ramener la comédie de situation horrifique vers l'horreur la plus réelle possible, et par contre-coup la rendre encore plus fantasmagorique.

Franju est inspiré (traumatisé ?) par un précédent court-métrage documentaire sur les abattoirs de Paris, et, à mon sens, à raison, considère qu'il n'y a rien de plus horribles que la réalité. Par ailleurs, Franju connait ses classiques et l'influence non seulement de Feuillade (Les Vampires, Fantomas), mais aussi de Tod Browning (Freaks) et Ernest B. Shoedsack (Les chasses du Comte Zaroff, King Kong - également un documentariste féroce, incidemment) est palpable. On peut aussi ajouter l'influence des surréalistes et des expressionnistes allemand). Plus l'intrigue peut par instant rappeler celle du Fantôme de l'Opéra (l'original roman feuilleton et ses nombreuses adaptations).

Les yeux sans visage vont ensuite certainement impacter de manière majeure sur les films de Guillermo Del Toro (le labyrinthe de Pan) et le récent Almodovar (La Peau que j'habite), censé adapter un roman original, mais qui recycle des pans entiers du film de Franju. Il me semble aussi avoir aperçu lors d'au moins un plan des décors de Blake et Mortimer : SOS Météores (le passage à niveau, un aqueduc ?) d'E.P. Jacobs, mais c'est peut-être une coïncidence.

Si Guillermo montre tout question horreur, et Almodovar ne montre presque rien, c'est par les implications et le réalisme tranchant des scènes que Franju fait monter une pression et joue avec les attentes (ou plutôt des craintes) du spectateur. Et là, le maître - Franju - demeure le plus impressionnant des trois. Le peu de maquillage, qui n'est en rien aussi détaillé que ce qu'on voit aujourd'hui, est malgré tout, et essentiellement à cause de la mise en scène (et du conseil du vrai chirurgien qui a guidé Franju) est soit franchement dérangeant, soit particulièrement éprouvant.

Les yeux sans visage mérite son statut de film culte et de meilleur film d'horreur français (encore qu'il y a sûrement d'autres films de ces années en lice, je pense au minimum aux Diaboliques, franchement terrifiant). C'est cependant l'aspect poétique et la quête du réalisme merveilleux de Franju qui évidemment m'a davantage plu - la scène finale en particulier, qui appelle tellement d'autres aventures.

A noter également que Les Yeux... sera piètrement imité encore et encore à la télévision française (entre autres), il me semble, par des réalisateurs plus soucieux d'économiser sur le scénario, la production et le jeu des acteurs, notamment dans l'idée de rechercher des plans un tout petit peu trop long, ou esthétiquement intriguant, dans un but de faire monter l'angoisse. Seulement dans ces cas (souvent pitoyables) ces productions-là n'avaient rien compris à ce qu'a réussi Franju. D'un autre côté, d'autres réalisateurs de télévision français - comme ceux de la mini-série Le Mutant, et plusieurs autres - ont en revanche tout compris, mais ces productions-là sont devenues extrêmement difficiles d'accès.

***

Lien à venir.

***

***

20101102MAR : Sortie CINE FR de Les yeux sans visage (1960) de Georges Franju,
d'après le roman de Jean Redon, avec Pierre Brasseur, Alida Valli et Juliette Mayniel.

Blu-ray français multi-régions, piste français seulement.

Image : Excellente, limite cristalline - magnifie la poésie et l'horreur des séquence.

Son : Très bon - également au service total du récit.

Bonus : un très bon documentaire sur la filmographie de Franju, avec plusieurs membres de la production des Yeux Sans Visage (dont l'actrice qui interprète le rôle titre et que l'on retrouvera dans Judex).

J'ai eu un problème avec le menu (pas d'accès au bonus) sur l'un de mes lecteurs blu-rays (LG de 2010), mais pas sur les autres.

***

10621024VEN : Sortie CINE US de Les yeux sans visage (1960) de Georges Franju,
d'après le roman de Jean Redon, avec Pierre Brasseur, Alida Valli et Juliette Mayniel.

***

19600111MER : Sortie CINE FR de Les yeux sans visage (1960) de Georges Franju,
d'après le roman de Jean Redon, avec Pierre Brasseur, Alida Valli et Juliette Mayniel.

***

***Fin de l'article***

***