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Metropolis, le film allemand de 1926
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par David Sicé
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2026. Metropolis est la Ville, sur laquelle règne en maître Jo Fredersen (Alfred Abel). Alors que son fils Freder (Gustav Frölich) se plaît dans l'oisiveté totale, comme tout ceux qui appartiennent aux familles dirigeantes, le reste de la population est tenu en esclavage et vit dans les caves gigantesques sous la ville. Mais cet ordre vacille lorsqu'une jeune illuminée nommée Maria (Brigitte Helm) décide de montrer aux enfants des ouvriers les niveaux supérieurs de la cité : Freder aperçoit Maria, la suit dans l'enfer des machines et se met en tête de changer le triste sort des ouvriers. Son père décide alors de trouver le savant Rotwang (Rudolf Klein-Rogge), un ancien rival pour le débarasser de Maria, et de la révolte ouvrière qu'il menace... Rotwang lui propose sa dernière invention, Parodie, un robot capable de prendre l'apparence humaine de Maria.
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Réalisé par Fritz Lang (M le Maudit, le Tombeau Hindou) d'après le scénario et le roman de Théa D'Arbou, Metropolis est un film clé de l'histoire de la Science-fiction. Toutes les scènes, toutes les images seront reprisent à travers les romans et les films qui suivront, et ce jusqu'au Z6PO de Star Wars et aux tours de Blade Runner. Le film lui-même n'a été montré dans sa version d'origine que six mois, alors que les Nazis règnent sur l'Allemagne. Les potentats du cinéma allemand feront ensuite main basse sur le film, dont ils referont le montage à leur convenance. Puis le film sera revendu aux partenaires américains - la Paramount - qui coupent à tout va le montage en question et se vantent d'avoir écrit une meilleure histoire, celle d'un savant fou et son robot maléfique.>
Metropolis va connaître un bon nombre de rééditions et de ressorties au cinéma, en VHS, puis DVD. Mais c'est Giorgio Moroder qui ose, après des années de recherche, ressortir une version teintée (comme à l'origine, ce qui n'est toujours pas le cas des plus récentes versions, même "complètes"), et dotée d'une bande-son pop rock qui va faire mouche : interesser toutes les générations fans de Queen et autres à un film jusqu'ici massacré. Le montage est efficace, les premières scènes inédites apparaissent.
Face à cet "attentat" pop-rock, l'intelligentsia répliquera par des versions restaurées avec plus de moyens, mais avant celle de Ennio Palatas, ce qui parait peut aussi tenir du massacre, comme une édition qui prétendra remonter le film fidèlement à l'esprit de l'époque, tout en lui ajoutant une bande musicale affreuse de plus.
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Mais l'histoire de la résurrection de Metropolis ne s'arrête pas là : un montage d'époque est retrouvé en 2008 en Argentine en plus des bobines confisquées par les russes et les français au moment de l'invasion de Berlin. Après un temps de stupéfaction et d'expertise, il s'agit bien d'un montage intégral. Les scènes manquantes (dans un état catastrophique et un format différents) sont alors réintégrés : pour la première fois, on pourra deviner (derrière une pluie de rayures) une première virée à Yoshiwara et le rôle de l'homme de main de Jo Fredersen s'étoffe notablement. Malheureusement, il y a encore des scènes en fin de bobine trop abîmée pour être transférée sur blu-ray.
Par le jeu d'une confiscation du domaine public au mépris des règles des droits d'auteurs comme il s'en produit aujourd'hui systématiquement, Giorgio Moroder se verra longtemps interdire la possibilité de sortir son film en DVD et Blu-ray alors qu'il avait pu le sortir en VHS en son temps. Un "accord" est cependant trouvé et un blu-ray non restauré sortira exclusivement aux USA.
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La page officielle de Kino (en anglais)
Les pages de KINO consacrées à la nouvelle restauration.
Ici un extrait novellisé de Metropolis (en français)
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20111115 : Sortie BR US de Metropolis 1926 (version Giorgio Moroder de 1984)
Blu-ray américain région A (lisible seulement sur les lecteurs américains ou multi-régions)
Image : 1.33:1 (4/3), 1980x1080p - version noir et blanc teintée. L'image comporte de nombreux coups et rayures, et certains passages sont plus granuleux que d'autres. Les teintes et les effets visuels atténuent jusqu'à un certain point les dégâts à l'image, qui demeure pas vraiment stable faute d'avoir bénéficiée d'une restauration à l'aide des outils d'aujourd'hui.
Son : DTS Master Audio 5.1 ; également 2.0 Stéréo. La musique sonne formidablement en 5.1 malgré le côté très synthétique des arrangements de l'époque - cependant beaucoup moins laids que certains arrangements à l'orgue sur des films contemporains ou antérieurs plus "authentiques"
Bonus : bandes annonces restaurées HD pour le Metropolis de Moroder et The Complete Metropolis ; The Fading Image (L'image qui s'efface avec le temps) un documentaire de 1984 consacré à la restauration de Moroder (format 4/3, transféré depuis une vidéo) et à la préservation des films en général, le tout réalisé dans le style expressionniste allemand ; une galerie photos très courte consacrée aux affiches et couvertures de disques.
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La justice, ou plutôt la grâce de l'éditeur américain Kino, a voulu que cette version, qui sauva Metropolis de l'oubli et fit entrer de plein pied les images du film dans l'imaginaire de la génération MTV, sorte enfin en blu-ray. Si le son 5.1 est au top, l'image n'est évidemment pas restaurée autant qu'elle aurait dû l'être. C'est probablement aux mêmes gens que nous devons aussi le fait que cette édition soit illisible en Europe (blu-ray verrouillé région A).
Rappelons que le film datant de 1927 aurait dû tomber dans le domaine public, mais c'est par le jeu de rallonges incessantes rétroactives du privilège de sang des ayants-droits que Metropolis n'est toujours pas tombé dans le domaine public et n'y tombera probablement jamais, la date de libération du film étant aujourd'hui portée à 2045, soit 103 ans après sa sortie. Autant dire une date déjà bien conçue pour que toutes les copies privées d'époque aient été complètement détruites par le temps, ce qui en dit long sur la malhonnêteté des initiateurs et des suiveurs d'une telle législation : "oui, vous serez libre d'utiliser cette oeuvre, mais uniquement quand cela ne vous sera plus physiquement possible"). Et tant pis si l'oeuvre elle-même disparait à cause du procédé : combien de négatifs originaux ont été détruits simplement pour ne pas avoir à payer le stockage des bobines ? Pourquoi accorde-t-on des droits à ceux qui détruisent les oeuvres qu'ils sont censés protéger ? Pourquoi les citoyens ne sont-ils pas fondés à recevoir dédommagement chaque fois que les gardiens des droits ne diffusent pas ou ne préservent pas les oeuvres pour le jour où elles seront libre ? Cela représente pourtant un manque à gagner considérable pour chacun d'entre nous.
Cf. p11 de l'article Iris Plus mis en ligne ici (format pdf, en français).
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20111005 : Sortie BR FR de Metropolis 1926 (version presque complète de 2008)
Toujours à la ramasse, le blu-ray français sort pratiquement un an après l'américain. Seul le protectionnisme du blocage par région permet à l'éditeur de mépriser le spectateur français pendant tout ce temps. Il semble par ailleurs que le transfert soit légèrement inférieur à la version anglaise.
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20101122 : Sortie BR UK de Metropolis 1926 (version presque complète de 2008) de Fritz Lang
D'abord, ce n'est pas la version complète : il manque encore au moins deux scènes, et non, ce ne sont pas des scènes mineures du film comme certains se permettent de l'écrire. La qualité des 25 minutes récupérées en 2008 est catastrophique, le reste est magnifiquement défini pour l'époque, et parait-il enfin dans le bon ordre (celui de la copie sud-américaine) et selon la bonne partition.
Blu-ray anglais région B, lisible en Europe - sous-titres anglais seulement, intertitres allemands d'origine.
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Image : 1,37:1 original noir et blanc pour la majorité du film, plutôt bonne, avec un fourmillement / poudroiement marqué sur les plans truqués en général, eux-mêmes peu définis - les détails des décors et costumes ressortent souvent, tout comme les cheveux. Les grains de peau sont à la peine mais presque visibles dans les gros et moyens plans. Les rayures et les coups sont présents sur certains plans et pas d'autres. Les intertitres sont entièrement refaits, en version originale allemande, avec sous-titres anglais. Pour les 25 minutes supplémentaires, l'image recadrée est complétée par du noir, granuleuse et floue, profondément rayée en permanence sur toute sa surface.
Son : orchestral d'après la partition d'origine, deux pistes - DTS Master Audio stéréo et DTS Master Audio surround 5.1. Bien sûr c'est une réussite artistique totale même si on peut toujours regretter l'absence de partitions alternatives.
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Le bonus principal est un documentaire de 55 minutes retraçant l'histoire du film jusqu'à sa dernière restauration. C'est un document en allemand sous-titré (anglais) d'une prétention sans nom (Ennio Palatas, lui était bien plus humble, passionné et respectueux dans l'édition DVD précédente), affichant notamment un mépris ouvert pour Georgio Moroder, qui sauva en son temps le film de l'oubli et proposa une version teintée à l'instar de l'original - ce qui n'est pas même le cas ici, ou encore pour la version vidéo clipée de Madonna, qui rendit Metropolis moderne, sexy et branché dans les années 1990. Quand on sait que les mêmes empêchent Moroder de ressortir sa version DVD / Blu-ray en Europe, on ne peut que bouillir et souhaiter une fin rapide et hideuse au copyright et au droit d'auteur quand il ne sert plus les seuls auteurs bien vivants justement.
Le travail de restauration est considérable, certes, mais il ne doit pas faire oublier le vautrage total d'au moins une version précédente en DVD, pourtant sortie avec la même autorité et le même aplomb avant la version d'Ennio Palatas.
Il y a aussi la bande-annonce restaurée du film pour sa ressortie en version presque complète en 2010, et un commentaire du film par deux experts David Kalat (historien du cinéma, partenaire des éditeurs Criterion et Kino et lui même éditeur de DVD pour All Day Entertainment) et Jonathan Rosenbaum (critique à la retraite du Chicago Tribune et écrivain) - sympathique mais sans rapport direct avec l'action à l'écran. De plus il semble que la culture littéraire (en particulier dans le domaine de la SF) et même classique de Rosenbaum soit vraiment à la ramasse, sans que cela ne semble le gêner, tandis que David Kalat est plus prudent et pertinent, mais très vague, alors qu'il est certain que Théa d'Arbou avait bourré son film de références classiques et que Fritz Lang ne pouvait ignorer la culture "pulp" de son époque, étant donné que son premier film (Spiders) et beaucoup qui suivront sont enracinés dans cette culture (Mabuse, Le Tigre du Bengale). Enfin, beaucoup d'affirmations de Rosenbaum m'ont paru spécieuses ou abusives : il ne s'agit visiblement pas d'enrichir l'expérience de Métropolis, mais de plaquer sa vision des choses et d'y enfermer et réduire cette expérience.
Enfin, un livret illustré de 55 pages format A5 est inclus dans le boitier métal de cette édition. Le texte en petits caractères est imprimé dans une encre claire ce qui le rend plus difficile à lire. Il comprend cependant pas moins de cinq articles, dont le point de vue de Fritz Lang lui-même, l'incontournable avis sur la question de J. Rosenbaum, celui de Luis Bunuel (qui a le mérite d'avoir tourné des films, lui), le récit de la découverte de la copie complète par Karen Naundorf, le récit de la énième reconstruction subséquente par Martin Koerber, l'habituel avertissement véhément sur la manière de regarder le film (interdit de zoomer les petits enfants ou bien vous brûlerez dans l'Enfer pour blasphème ou sacrilège, je ne sais plus - personnellement, j'ai zoomé par pur plaisir sadique et profonde satisfaction de pratiquement remplir mon écran 16/9ème sans perte de qualité d'image).
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20101123 : Sortie BR US de Metropolis 1926 (version presque complète de 2008) de Fritz Lang
Le montage précédent était sorti en DVD chez Kino et présentait une meilleure qualité d'image qu'en France. Il est probable que ce sera aussi le cas pour le transfert blu-ray américain, le blocage par région (autrefois par zone) permettant essentiellement de cacher ce genre de détail au spectateur français.
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20100423 : La bande annonce HD de Metropolis
la version "complète" est en ligne sur le site d'I-Tunes.
Ici la page de la bande annonce (format Quicktime)
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20100212 : Diffusion FR de Metropolis la version "complète"
de Fritz Lang sur ARTE .
Diffusée en direct avec l'orchestre en live pour accompagner le film comme lors de sa première en 1927. C'est une expérience hallucinante que de voir pour la première fois dans sa version quasi intégrale un film dont seules plusieurs versions mutilées à des degrés divers avaient survécu. La version "complète" n'est pas intégrale, car il reste plusieurs scènes manquantes (peut-être trois) au lieu de l'unique annoncée, notamment le passage où Maria s'évade, il me semble. Les scènes rétablies sont en (très) mauvais état et d'un format coupé par rapport au reste du film, mais l'émotion reste indemne (pour peu bien entendu que vous ayez un minimum d'expérience des films de cette époque).
Métropolis la version complète devrait sortir en Blu-ray d'ici décembre 2010, au moins chez l'éditeur américain KINO.
Les pages de KINO consacrées à la nouvelle restauration.
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20030218 : LE MONTAGE ORIGINAL SORT AUX USA
Ennio Palatas revient avec une bien meilleure idée que ceux qui ont essayés de restaurer le chef-d'oeuvre de Fritz Lang : utiliser le script original donné à la censure allemande et la partition pour orchestre originale et son chronométrage pour reconstituer le montage d'origine. Si les teintes colorées et certaines scènes définitivement (?) perdues manquent encore à l'appel, le résultat est magnifique.
Les pages de la restauration de Kino (en anglais)
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19840101 : UN NOUVEAU MONTAGE SORT AUX USA
Georgio Moroder, après avoir fait le tour du monde pour récupérer les bouts de pellicules coupés, restaure le film de Fritz Lang, le recolorise et le monte de manière moderne. Il ajoute une bande son pop-rock, menée par le groupe de rock Queen. Opération réussie : si le film reste mutilé, l'impact émotionnel total. A noter qu'il s'agit de la seule version avec teinte, et la seule à avoir rallié un nouveau public au film, alors que les restaurations suivantes ont au mieux "ennuyé" les jeunes spectateurs.
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***Fin de l'article***
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