CHAPITRE UN
LA COURSE FOLLE
La mouette criait dans le ciel, planant au-dessus des pleins feux du soleil, et des nuages lourds et cotonneux. Et comme l'oiseau piquait du nez pour rejoindre plusieurs de ses congénères, il survola un premier bloc de terre, une sorte de montagne retournée à la base verdoyante, cultivée : Oui, on pouvait distinguer des champs, des coteaux et même les bâtiments d'une imposante demeure, et sa tour ronde au toit pointu, peut-être un manoir… La mouette survola ainsi de nombreux blocs épars, certains plus petits que d'autres, certains semblables à une fine lamelle de terre. Des forêts, mais surtout des prairies, et à chaque fois une maison, souvent une ferme accrochée au roc, entouré de nuages. Et au milieu de ce chapelet de blocs, sur un récif aérien plus petit que les autres, quelqu'un avait bâtit une tour en moellons, et peint dessus en jaune, le nom de « Babylonia ».
Entre ces îlots de verdure flottant dans le ciel, parfois un petit navire à hélices passait en actionnant sa sirène. Il polluait l'air pur d'une fumée sale expulsée par sa cheminée.
Et alors que le navire avançait paisiblement à travers les blocs épars, deux motos volantes lancées dans une folle course poursuite lui coupèrent brutalement la route, fusant par-dessous la vielle coque érodée, frôlant presque la tôle.
En contrebas, une demi-douzaine de gens étaient occupés à entretenir une prairie ondoyante : soudain tout près de leur bloc… Certains se mirent à courir pour mieux suivre l'action qui se déroulait à leur verticale – ou peut-être aussi, le cas échéant, pour y échapper ! Les deux motos leur passèrent juste au-dessus, laissant derrière eux l'onde de chaleur de leurs réacteurs enflammés.
La moto qui menait était jaune, la seconde était rouge. C'était un peu normal, car si un seul pilote était juché sur le véhicule de tête, il y avait bien un garçon et une fille accrochés à la seconde moto. Le premier pilote prit la peine de revenir à la hauteur du couple, pour leur faire un petit salut moqueur avant de les distancer à nouveau, dans un vrombissement ravageur.
« Cette fois c'est sûr il va gagner ! », cria la fille (une rouquine) au pilote de la seconde moto, un jeune homme brun en combinaison rouge vif.
« Tu crois ça ? répondit le garçon : « Accroche-toi ! »
Et il poussa à fond la manette des gaz en criant : « Hi-Ha ! »
La fille cria elle aussi, et se cramponna encore plus fort au jeune homme (ce qui était probablement le but de toute la manœuvre). D'un coup, la moto rouge rattrapa – et dépassa la moto jaune, alors même que les deux poursuivants s'étaient engagés dans un passage étroit entre deux montagnes qui défilaient tout le long l'une de l'autre. Mais le pilote de la moto jaune n'était pas prêt à se laisser faire, et, peu à peu, il rattrapa son retard. Pendant ce temps, la passagère de la moto rouge n'arrêtait plus de pousser des petits cris !
« Arrête Mahad ! » suppliait la jeune fille : « On passera jamais par là : tu vas nous tuer !!! »
En effet, les parois de la gorge où ils venaient de s'engager se rapprochaient dangereusement l'une de l'autre. La moto jaune les dépassa à nouveau.
« C'est des choses qui arrivent ! », répondit le pilote de la moto rouge.
Et il fit un écart pour éviter un rocher particulièrement saillant. La fille cria à nouveau.
« T'inquiète pas, voulut la rassurer Mahad : On va le rattraper ! »
Et en effet, alors que les deux motos se faufilaient sous un amoncellement de larges rochers plats fracturés, la rouge reprit la tête. Mahad cria à son poursuivant :
« Alors, c'est pas beau, tortue ? »
« J'vais t'avoir ! », cria le jeune pilote qui le talonnait.
Mahad éclata de rire. Sa passagère cria encore : « Mahad !!! »
Devant eux, la gorge était encombré de dizaines de rochers tombés en travers, ouvrant des passages toujours plus étroits ou soudainement obstrués. Il était pratiquement impossible de voir à cette vitesse lesquels étaient ouverts, lesquels menaient droit sur un nouvel obstacle…
« Cette fois je te tiens ! », cria encore le pilote de la moto jaune.
Et il dépassa Mahad par le haut. Mais, manque de chance pour lui, la voie qu'il avait choisi menait droit sur un autre rocher. Le jeune pilote cabra désespéramment sa moto pour remonter en chandelle, puis, lancé bien trop vite, il n'arriva pas à se rétablir : la moto jaune fit plusieurs loopings, et le garçon fut éjecté dans un grand cri – pour être catapulté dans des fourrés.
Pendant ce temps, Mahad poursuivait sa course jusqu'au fond de la gorge, jaillissant dans un nuage de poussière par une étroite fracture, juste au-dessus d'une immense fosse donnant sur le ciel.
Constatant qu'il avait largement semé son poursuivant, le jeune homme fit un grand tour jusqu'au-dessus du pont de pierre qui surmontait la fosse, en levant le poing et en criant « Imbattable. », tandis que sa passagère, elle, riait, soulagée ! Puis Mahad gara sa moto volante sur le pont de pierre recouvert d'herbes, et sa passagère descendit :
« Ne me fait plus jamais un plan pareil, espèce de malade ! »
« Oh, arrête ! », protesta le garçon : « Je sais que tu as adoré ! »
« Tu peux m'expliquer pourquoi je continue à te supporter ? », répliqua la jeune fille (qui cependant souriait).
« Parce que je suis le meilleur, » affirma Mahad en prenant une pose à son avantage.
A ces mots, la moto jaune vint se garer à côté d'eux, en hoquetant du moteur.
« Hé ben alors, Chumday, qu'est-ce qui t'es arrivé ? », demanda Mahad. « T'as fait une pause déjeuner ? »
Chumday leva les yeux au ciel :
« D'accord, d'accord, je le reconnais : t'es le meilleur pilote de l'école. »
Et il ajouta, en pointant du doigt son rival :
« Pour l'instant. »
Bon joueur, Mahad hocha la tête. Mais un sifflement inquiétant interrompit leur conversation – et les trois jeunes gens découvrirent avec horreur les lames blafardes des vaisseaux de la Sphère… Il y en avait au moins trois. Deux passèrent au-dessus de leurs têtes, le troisième sous l'arche fragile du pont de pierre où ils étaient garés. Puis trois autres vaisseaux, volant plus haut, les suivirent. C'était visiblement une expédition en force.
« La Sphère vient encore piller les réserves d'eau de Babylonia ! » s'exclama la jeune fille.
Une autre vague de lames aéroportées dépassaient les jeunes gens. Le détachement militaire aéroporté n'en finissait plus d'arrriver !.
« Si Marcus Farell était encore là, s'exclama Mahad indigné, ils n'oseraient même pas mettre le nez dehors ! »
Chumday répondit, le regard sombre : « C'est clair : il n'y a plus que les pirates pour avoir le courage de leur tenir tête à cette bande de rapaces ! »
Soudain, la jeune fille remarqua :
« T'as vu Mahad ? On dirait qu'ils vont vers chez toi ! »
Mahad bondit sur sa moto, très inquiet :
« J'y vais ! On se voit tout à l'heure… »
Et il décolla dans un vrombissement de moteur.
Tous droits réservés David Sicé pour la novellisation
D'après un scénario de Hervé et Olivier Pérouze, Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte. Direction d'écriture : David Cole. Consultant littéraire : Romain Van Lien.
D'après l'univers original créé par Emmanuel Gorinstein et la série animée crée par Alexandre de la Patellière, Matthieu Delaporte et Emmanuel Gorinstein. Directeur artistique : Alexandre De Broca.
Methodfilms 2006 pour le récit et les illustrations.