PROLOGUE
ON ACHETE DE LA BOUE
Un matin comme les autres à bord du transporteur Serenity ... « Allez, admets-le, c'est vrai.
Non, je ne le ferai pas, répondit Simon, parce que c'est faux. »
Kaylee, la jolie mécanicienne s'était, comme à son habitude, attardée à l'entrée du salon des passagers. Et comme à son habitude, Simon Tam, le jeune docteur fugitif, discutait avec elle.
« J'utilise des gros mots comme tout le monde, affirmait Simon.
Ah, vraiment, disait Kaylee. Elle secoua la tête : Vois-tu, je ne t'ai jamais entendu. Alors quand est-ce que tu sors tous tes jurons ? Après que je sois allée me coucher ou...
Je jure, quand c'est approprié , répondit le jeune homme.
Simon ! La raison même pour jurer c'est que ce n'est pas approprié ... » Kalee aperçut alors Inara, la superbe Compagne, tout de rouge vêtue, traverser le salon. « Hello, Inara !, » appela la mécanicienne.
Les deux jeunes gens allèrent à la rencontre de la courtisane. « En route pour un rendez-vous romantique et classe ? » demanda Kaylee.
Inara montait les escaliers vers sa navette. Elle eut un petit rire : « Espérons-le ! A demain, vous deux... Ne laissez pas Mal vous entraîner dans de trop gros problèmes en mon absence. »
Elle s'éloignait. « A bientôt !, fit Kaylee. Amuse-toi bien au lit. »
Simon jeta un regard attéré à la mécanicienne. La jeune fille le vit : « Ben quoi ? » demanda-t-elle.
Simon n'eut pas le temps de répondre. Une boite venait de s'écraser à terre à côté. Le choc fut suivi d'un fracas métallique assourdissant. Simon s'élança hors du salon : à travers la baie vitrée, on pouvait clairement voir Jayne, le mercenaire, torse nu, au milieu du dispensaire médical, les tiroirs ouverts, leur contenu dispersé, et un tabouret à terre. Les outils encore stérilisés une minute auparavant gisaient désormais à même le sol poussiéreux.
Simon fit irruption dans l'encadrement de la porte : « ...Oh ! » gémit-il très fort.Kaylee arrivait derrière lui : « Maintenant, ça serait le moment parfait pour un gros mot. »
Jayne, assez fier de lui, occupait désormais l'essentiel de son activité cérébrale à essayer de décoller le petit bout de plastique collant de son rouleau. « Qu'est... ce qui... se passe ici ? s'écria Simon.
J'vais besoin d' ruban adhésif, répondit le mercenaire.
Et pour ça que vous avez dévasté mon infirmerie !?!
Apparemment. »
Jayne était heureux : Il dévidait allégrement le rubant adhésif à présent qu'il était parvenu à en détacher le bout.
« Mon Dieu, se lamentait Simon en soulevant le linge opératoire jeté en tas sur les meubles, vous êtes comme un singe dressé... sans le dressage ! »
Sur ces entrefaits, Malcom Reynolds, le capitaine du Serenity , fit son entrée. « Jayne, lança-t-il : je t'ai dit qu'on descendait sur la colonie de l'Usine de Canton, sur la Lune d'Higgins ?
Ouaip, tu l'a dit ! »
Jayne commença à coller la bande adhésive autour du toutes les bandes adhésives qu'il avait déjà collées à même sa peau autour de sa taille. Les bandes adhésives maintenaient un pistolet collé contre son ventre. Son capitaine précisa : « Canton n'autorise pas les armes à feu en ville.
Oui, Monsieur. »
Jayne fit encore un tour de bande adhésive autour de sa taille. « C'est pour ça que j'en colle un à ma hanche.
Non, répondit Mal, c'est pour ça que tu n'en colles un nulle part.
Jayne était soudain mal à l'aise : « Oh, écoute Mal, j'ai déjà été sur Canton 'y a quelques années de ça, et j'me suis peut-être fait des ennemis là-bas.
Des ennemis ?, répéta Simon, occupé à ranger un stimulateur cardiaque aux fils complètement emmélés, Vous ? Non, cela ne se peut pas ! »
Jayne fit mine de n'avoir rien entendu : « Encore, j'aime pas l'idée d'aller là-bas les mains vides. »
Malcom Reynolds répondit, froidement : « Pourquoi tu discutes encore de ce qui a été décidé ? »
Jayne eut un regard égaré. Il baissa les yeux vers sa ceinture adhésive, et, après une brève inspiration, l'arracha d'un coup sec. « ... Ouille ! » laissa-t-il à peine échapper, une larme à l'oeil.
***
Le feu du frottement conter l'atmosphère de Canton embrasait la coque du Serenity . Le transporteur tombait presque comme une masse, plongeant droit sur les eaux d'un bleu profond d'une mer intérieure. De la cabine de pilotage, Wash, le pilote, appela : « O.K. Inara, on est en atmosphère. Tu peux y aller c'est bon . »
A bord de sa navette, Inara répondit : « Merci Wash. Je désengage dans trois, deux, une... »
Alors que le Serenity poursuivait sa descente à travers des lambeaux de nuages, la navette de la courtisane se détacha de son port. Tandis que la Compagne allait vaquer à ses occupations, le transporteur descendait verticalement au milieu des montagnes, jusqu'à une zone désolée de terre battue, entre deux bosquets verdoyants. Un canal avait été creusé non loin de là. L'eau était agitée de remous, de soubresauts. En fait, du gaz s'en échappait.
L'équipage du Serenity débarqua. Zoé se boucha le nez de dégoût. Comme tous les autres. On était en plein soleil. « Canton... pue littéralement ! avoua Simon, qui suivait Kaylee.
C'est ce qui en fait un point de rendez-vous si génial, répondit Mal. Personne n'y vient, à moins d'y être forcé. »
Wash intervint : « Je vote pour qu'on fasse ce boulot vite, très vite. » Zoé sentait une vague de nausée monter. Elle ferma, puis rouvrit les yeux.
« Kessler est notre homme, continuait leur capitaine : Il a les biens que nous allons livrer. On y va. On le contacte. Facile et cool. Zoé, tu gardes le Fort. Tu dis à Bernouli qu'il aura sa marchandise d'ici la fin de la semaine.
C'est pas moi qui reste d'habitude à bord du vaisseau ? demanda Wash.
Je suis la plus gradée, » répondit Zoé.
Elle déposa un rapide baiser sur la joue : « Amuse-toi bien. »
La femme-soldat repartit à l'intérieur du transporteur. Book, le pasteur, et River, la soeur de Simon, étaient restés à l'entrée de la cale. Simon avança encore d'un pas : « Alors c'est ici l'endroit où ils fabriquent de la... boue ?
Ouaip, répondit Kaylee. De la glaise, en fait.
River scrutait les alentours. Kaylee ajouta : « Tu serais étonné de savoir dans combien de trucs ce machin finit. Sérénité a plus d'une pièce en céramique.
Vraiment ?, répondit Simon.
Oui. » Kalee appela : « Capitaine, ne pensez-vous pas que Simon devrait venir avec nous ?
Hein ?, fit Simon, je pense pas que... »
Wash et Mal échangèrent un regard moqueur. Book le Pasteur s'était approché. Il intervint : « Allez, mon garçon. Vois qu'elle soupire. Je peux m'occuper de votre soeur. Je crois que nous développons un lien. »
Simon hésitait sérieusement : « Je... Je ne sais pas. River... »
Le jeune médecin se tourna en direction de sa soeur. Book lui donna une tape sur l'épaule : « Allez-y. Je suis un pasteur, après tout. Je devrais être capable de veiller sur une troupe d'une personne. »
River se balançait en souriant, l'image même de l'innocence et de la sagesse. « On ne va pas si loin, Docteur..., remarqua Mal. Et peut-être même que vous pourriez être utile. »
Le costume tiré à quatre épingles du jeune docteur semblait subitement fasciner le contrebandier.
« Il vient encore ?, s'écria Jayne, horriblement déçu.
Le mercenaire s'était habillé de la tête aux pieds, avec des vêtements d'un brun délavé. Un bonnet de cuir lui cachait les cheveux, une paire de lunettes de protection masquait ses yeux. Mal répondit : « La direction ici n'aime pas trop les libres penseurs, voilà pourquoi nous... »
Mal aperçut le camouflage de Jayne.
« ... Nous nous ferons passer pour des acheteurs. Personne n'a l'air de faire autant l'affaire dans ce rôle que le bon docteur... Je veux ! La jolie tenue... »
Le capitaine du Sérénité prit le poignet de Simon : « ...les mains douces définitivement le genre plein de fric. Total riche et blanc comme neige, cent pour cent crème.
D'accord, capitula Simon. Bien. Je viens, juste, arrêtez de me décrire.
T'es un chef, chef, répondit Mal en saluant le jeune homme.
C'est lui le chef, maint'nant ?, s'écria Jayne : la journée va de mieux en mieux ! » Le mercenaire jeta un coup d'oeil inquiet aux alentours pratiquement déserts et rabattit sa capuche sur son bonnet de cuir. Avec Simon à leur tête, Mal, Wash, Kaylee et Jayne s'avançèrent à pas rapide en direction du rideau d'arbres qui cachait la mine de boue.
***
Ils étaient une quinzaine d'hommes à draguer la boue à l'aide de casseroles accrochées à un baton. Le contremaître marcha aussitôt vers les nouveaux arrivants : « Hé, zone réservée aux employés ! »
L'homme arriva devant Simon qui répondit avec force : « Oui ! »
Resté en arrière, Jayne disparaissait littéralement sous sa capuche. « ... Oui, reprit Simon : Je... Je voudrais... acheter... de la boue . »
Le contremaitre gros, mal rasé se rengorgea : « Hé bien, alors... »
Il asséna une tape dans le dos du jeune homme : « ...Z'êtes au bon endroit ! »
L'air réjouit, Mal regarda le docteur suivre le gros homme : Le magnifique costume bleu marine du jeune homme portait désormais l'énorme empreinte de boue séchée de la paume du contremaître... L'équipage du Sérénité leur emboîta le pas.
« Bien sûr, continuait le gros homme, nous pouvons produire n'importe quel volume ici. On a plus de deux milles travailleurs, la plupart sous contrat. »
Ils continuaient le long du canal. Il y avait même des femmes parmi les mineurs de boue, à patauger dans l'eau sombre, le corps entier éclaboussé de glaise, des croûtes plein les cheveux...
« ...Nous les payons à peu près rien. Comme ça on peut vous faire directement bénéficier des ristournes à vous, le client.
Des ristournes ?, répéta Simon. Euh... Excellent, c'est, euh... Parce que, comme je l'ai déjà dit, je vais en avoir besoin, de plutôt beaucoup. Je... Je suis acheteur.
Et le meilleur de tous !, répondit joyeusement le contremaître. On la mélange, on en fait des briques crues, juste là sur le terre plein. On ajoute le bon catalyseur, on le cuit comme y faut... et c'truc est dix fois plus solide que l'acier pour moitié moins de poids... »
Ils arrivaient à un pupitre de bois, monté sur un billot. Derrière eux, on arrosait à grandes eaux une citerne. « Oui, répondit le jeune docteur. J'ai... J'ai entendu de superbes... »
Pendant la conversation, Wash glissait à Kaylee : « Qu'est-t-il arrivé à Simon? Qui est ce diabolique maître du déguisement ?
Il apprend, répondit sur le même ton la mécanicienne.
C'est... continuait le docteur.
Excusez moi, chef, interrompit Mal. Je suis sûr que... le Contremaître a des choses à faire, pendant qu'on... se promène un peu, on regarde la fabrication, et ensuite vous pourrez voir si on peut se faire ouvrir un compte.
Vraiment ? » répondit Simon en regardant le capitaine du Sérénité .
Le jeune homme se reprit : « Vraiment, dit-il cette fois au contremaître. Oui, on va se promener un peu.
Ca marche, répondit le gros homme. Venez me voir quand vous en aurez fini. » Et il s'en alla.
« Très bien, fit Mal. Direction la ville des mineurs. On trouve Kessler, notre homme, et on boucle l'affaire. »
Tandis qu'ils descendaient la piste, Jayne se rapprocha de Mal : « Le gamin va nous faire tuer ! On fait l'affaire et on dégage.
Son déguisement est deux fois moins amusant que le tiens, répondit Mal. A qui tu veux ressembler exactement ?
T'es pas venu ici depuis des années, remarqua Wash. Tu crois vraiment avoir besoin de cet attirail ? Personne se souvient de toi. »
Le regard de Mal se fixa sur un détail étrange du paysage tandis qu'ils continuaient d'avancer et que les bidonvilles se multipliaient. « Je pense que c'est possible qu'ils le puissent. » admit le capitaine du Sérénité .
Au milieu de la bourgade avait été dressée une statue de boue. Une statue dont la silhouette paraissait familière. Une statue au pied de laquelle quelqu'un avait posé une plaque de glaise gravée. Et sur cette plaque de glaise, on pouvait lire :
JAYNE COBB
Jayne se figea. Wash ne pouvait s'empêcher de comparer le profil du mercenaire avec celui de la statue. Mal soupira. Simon dit : « Merde alors ! »
Adaptation française de David Sicé, 2 avril 2005.
D'après un scénario de Ben Edlund.
Texte et illustration originaux tous droits réservés la Fox et Joss Whedon.