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D-SCAN LES EXTRAITS DES RECITS DE LA SF Tous droits réservés : texte David Sicé, illustrations : leurs auteurs.
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LA TOUR SOMBRE 7 : LA TOUR SOMBRE
CHAPITRE 1 CALLAHAN ET LES VAMPIRES
Le Père Don Callahan avait été autrefois le prêtre catholique d'une ville, « Le Carré de Salem » avait été son nom, qui désormais n'existait plus sur aucune carte. Il ne s'en souciait guère. Les abstractions comme la réalité avaient cessé d'avoir de l'importance à ses yeux. Cet ancien prêtre tenait un objet impie, une tortue sculptée dans l'ivoire. Son bec était ébréché, et il y avait une rayure en forme de point d'interrogation sur son dos, mais d'une manière générale, c'était un objet magnifique. Magnifique et puissant. Il pouvait sentir le pouvoir électrifier sa main. « Comme il est merveilleux, il chuchota au garçon qui se tenait à ses côté. C'est la Tortue Maturin. C'est elle, n'est-ce pas ? » Cet enfant, c'était Jack Chambers. Et il avait fait un long voyage circulaire pour revenir presque à son point de départ, ici, à New-York. « Je ne sais pas, il répondit, elle l'appelle le Sköldpadda, et il pourrait nous aider, mais il ne tuera pas les chiens qui nous attendent là bas. Il pointait du menton le Dixie Pig, se demandant s'il avait voulut dire Susannah ou Mia en employant le pronom féminin indéfini elle. Auparavant, cela n'aurait pas eu d'importance, tant ces deux femmes avaient été si étroitement déchirées l'une en l'autre. Mais, à présent, il pensait que cela comptait, ou que cela compterait, bientôt. « Tu le feras ?, » demanda-t-il au Père, en voulant dire : Tu feras face ? Tu te battras ? Tu tueras ? « Oh oui, » Callahan répondit avec calme. Il remit sans ménagement la tortue aux yeux sages dans sa poche, dans la poche de sa chemise, avec les cartouches supplémentaires, puis il palpa une fois l'objet d'art pour s'assurer qu'il y resterait à coup sûr. « Je ferais feu jusqu'à ce que je n'aie plus de balles. Et si j'arrive à court de balles avant qu'ils me tuent, je les frapperais avec... le bout du fusil. » L'hésitation avait été si courte que Jack ne l'avait même pas remarquée. Mais pendant cette courte hésitation, l'Immaculé avait parlé au Père Callahan. C'était une force qu'il connaissait depuis longtemps, depuis même son enfance, même s'il y avait eu quelques années de peu de foi en chemin, des années où sa compréhension de cette force élémentaire s'était d'abord troublée, puis s'était complètement perdue. Mais ces jours étaient passé, et l'Immaculé était sien à nouveau et il dit à Dieu merci. Jack inclinait la tête, disant quelque chose que Callahan pouvait à peine entendre. Et ce que disait Jack n'avait pas d'importance. Ce que l'autre voix disait – la voix de quelque chose... Gan ... peut être trop grand pour être appelé Dieu. Fit. L'enfant doit continuer, lui disait la voix. Quoi qu'il arrive ici, qu'importe comment cela finit, l'enfant doit continuer. Ton rôle dans cette histoire est presque terminé. Pas le sien. Ils passèrent devant un panneau au bout d'un pied chromé (FERME POUR USAGE PRIVE), l'ami préféré de Jack, Oy, trottait entre eux deux, sa tête levée, son museau ourlé de son habituel sourire denté. En haut de l'escalier, Jack plongea sa main dans le sac de coton que Susannah-Mio avait ramené de Calla BrynTurgis et attrapa deux des assiettes – les Rizas. Il les fit s'entrechoquer, et hocha la tête au triste son de leur résonnance, puis il dit : « Voyons les tiennes. » Callahan leva le Ruger que Jack avait amené de New-York à Calla, et à présent ramené là. La vie est un cercle, et nous devons dire merci. Pendant un temps, le Père garda le Ruger contre sa joue, tel un duélliste. Puis il toucha la poche de sa chemise, déformée par les cartouches, et la tortue. Le Sköldpalla. Jack approuva. « Une fois à l'intérieur, on reste ensemble. Toujours ensemble, avec Oy entre nous. A trois. Et une fois lancé, on ne s'arrête plus. - On ne s'arrête plus. - D'accord. T'es prêt ? - Oui. L'amour de Dieu sur toi, enfant. - Et sur toi, Père. Un... Deux... Trois. » Jack ouvrit la porte et ils s'enfoncèrent dans la pénombre et l'odeur tenace de la viande rôtie.
DEUX
Jack allait vers ce qu'il croyait être une mort sûre, en se rappelant deux choses que Roland Deschain, son véritable père, avait dit. Les batailles qui durent cinq minutes font naître les légendes qui dureront mille ans. Et Tu ne meures jamais heureux quand ton heure vient, mais tu dois mourir comblée, pour avoir vécu ta vie du début jusqu'à la fin, et Ka est toujours satisfait. Jack regarda le Dixie Pig avec l'esprit comblé.
TROIS
Et aussi clair que le cristal. Ses sens étaient si rehaussés qu'il pouvait sentir non seulement la chait rôtie, mais aussi le romarin avec lequel on l'avait frottée ; il pouvait entendre non seulement le souffle calme de sa respiration, mais aussi la rumeur profonde de son sang montant vers son cerveau d'un côté de son cou, et descendant vers le coeur de l'autre. Il se rappela également Roland qui disait que même la plus courte des batailles, du premier tir jusqu'au corps qui tombe enfin, paraissait longue à ceux qui y participaient. Le temps devenait élastique, il s'étirait jusqu'au point de disparaître. Jack avait approuvé, comme s'il comprenait, mais ce n'était pas le cas. Maintenant, il comprenait. Sa première pensée fut qu'il y en avait trop. Vraiment, vraiment trop. Il évalua leur nombre à environ une centaine, la majorité appartenant à l'espèce que le Père Callahan avait appelé les « sous-hommes ». (Certains étaient des « sous-femmes », mais Jack était sûr que cela ne faisait pas de différence.) Eparpillés parmi eux, beaucoup moins épais que le sous-peuple, et certains aussi affutés que des lames, leurs traits gris et leur corps auréolé de bleu pâle, qui ne pouvaient être que des vampires. Oy se tenait sur les talons de Jack, une expression dure sur sa petite tête de renard, gémissant doucement du fond de la gorge. Cette odeur de viande rôtie qui tournait dans l'air n'était pas du porc.
Adaptation française de David Sicé, 10 avril 2005. D’après Stephen King. Texte et illustration originaux tous droits réservés Stephen King & Tor Books.
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