CHRISTOPHER GOLDEN & AMBER BENSON
Pour la première fois, William remarqua que sa soeur avait déjà revêtu ses habits de voyage. Sa cape bleue épaisse était nouée avec élégance autour de son cou mince, et ses gants assortis dépassaient par le côté de son sac à main.
William avait beau être énervé par le fort tempérament de sa jeune soeur, il devait admettre que l'avoir pour amie le rendait plus assuré face à cette destinée partagée - qu'il ne l'aurait été sans elle à ses côtés. Il ne pensait pas que sa personne avait été particulièrement conçue pour l'écrasante tâche de protéger Albion des Forces du Mal. Même à présent, rien qu'à repenser à la bataille que lui et sa soeur avaient engagé contre le Seigneur Démoniqauqe Balberith - qui avait assassiné Grand-père et tenté de s'emparer de l'Angleterre - ses genoux tremblaient. Ils avaient été victiorieux, pour sûr, mais William avait eu des difficultés à se sentir triomphant alors que la bataille leur avait coûté Grand-père et irrévocablement changé leurs vies.
"Qu'est-ce que tu peux penser, Will ?" demanda Tamara. "Tu as la plus étrange des expressions sur ton visage."
William chassa le frisson le long de sa colonne vertébrale d'un secouement, et sourit à sa soeur. "J'étais juste en train d'imaginer dans quel genre de traquenard tu t'es hasardée à nous jeter, cette fois."
Avant de se rendre à la bibliothèque, Tamara et William rendirent visite à leur invité. Tamara ne fut guère surprise de constater que le docteur s'était endormi, sa tête en équilibre précaire contre le dossier du fauteuil. A nouveau, elle suspectait que les fatigues du voyage n'était pas la seule raison de son épuisement. Le pauvre homme, pensa-t-elle, dort du sommeil sans rêve de la fatigue nerveuse.
William tapota sur son épaule et l'accompagna gentiment hors de la pièce afin de laisser le docteur se reposer. Tandis que Tamara suivait son frère le long du hall, vers la bibliothèque, elle admirait les portraits de la famille suspendus aux murs qui les entouraient. Lorsqu'elle était une toute petite enfant, elle avait passé des heures à scruter les visages peints à l'huile de ses ancêtres et à inventer l'histoire de leurs vies. Dans ses rêveries, ils avaient tous vécus des existences très romantiques et très aventureuses passées à combattre des dragons, à apprivoiser des licornes et, en général, à sauver le monde. Elle supposait que cela l'origine de son imagination fertile, d'où elle tirait les idées de ses effrayants feuilletons à dix sous. A moins que ce n'ait été son inconscient, qui avait essayé de la préparer à un destin plus que particulier, que nulle autre jeune fille n'aurait pu imaginer devenir la réalité.
William poussa la porte de la bibliothèque et ils entrèrent.
C'était une merveilleuse salle. Elle avait toujours été l'une de ses préférées. Probablement à cause de tous les après-midis heureux qu'elle avait passé ici avec son grand-Père et son frère, à monter des pièces de théâtre inventées et à apprendre des tours de prestidigitation.
Elle se souvenait très exactement du matin où son frère avait réussi le tour qui consistait à sortir un souverain de son oreille. Le sourire sur le visage du garçon avait illuminé la salle. She distinctly remembered the morning her brother had perfected the trick of pulling a sovereign from her ear. The smile on his face had lit up the room.
A présent, Tamara regardait son frère et voyait le reflet de son propre haut front et de ses hautes pommettes. Ils avaient tous les deux les grands yeux en amande de leur mère, mais seule Tamara avait hérité de sa peau pâle et délicate. William ressemblait plus au côté Ludlow de leur famille, avec ses cheveux noirs, et son fin nez d'aigle. Comme il est fier de ce nez, pensa Tamara. William croyait que cela lui donnait de la distinction.
Avec nostalgie, elle se demanda ce qui était arrivé au garçonnet insouciant qu'avait été William, comment il avait pu devenir si sérieux et si triste, et plus prétentieux qu'un poney de cirque. Elle ne savait pas quand la métamorphose avait eu lieu, mais dès lors qu'il était entré à l'Université, il n'avait plus eu de temps pour Tamara ou leur grand-père, Ludlow.
Elle aimait énormément son frère, et des éclairs de l'ancien William de temps en temps s'échappaient de son apparence guindée. C'était seulement quelle aurai aimé davantage que des éclairs.
Tamara se réprimanda elle-même, en colère à l'idée qu'elle puisse porter un jugement aussi injuste envers son frère. Il travaillait vraiment dur à faire ce qui devait être fait. Il fallait qu'elle se concentre plutôt sur le problème présent. Avant de quitter Blackbriar, elle voulait avoir consulté les fantômes. Elle espérait vraiment que leurs alliés spectraux seraient en mesure de les éclairer quelque peu quant à l'ensemble de l'affaire.
William referma la porte derrière eux, puis se tourna vers sa soeur. Elle hocha la tête.
Ensemble ils dirent, "Fantômes, montrez-vous !"
Immédiatement, Byron apparut au bras de Tamara. Il avait une plume et une feuille de parchemin à la main. "Hélas, la Muse s'est tue, rendue muette par votre interruption." Il avait l'air contrarié, mais résigné.
Une autre silhouette fantômatique, cette fois plus imposante, se condensa dans la pénombre de la bibliothèque. "Non, non, Byron, pas de cela entre nous. William et Tamara ont appelés leurs alliés pour un conseil de guerre. Nous devons nous montrer patients."
Le nouvel arrvant était l'esprit du Lord Amiral Nelson, héros de la flotte et extraordinaire stratège militaire. Il avait été l'ami de leur grand-père Ludlow, et les avait aidé à défendre Albion du surnaturel. Comme avec les autres fantômes, Tamara et William avaient hérité de son amitié et de son secours, et ils en étaient reconnaissants. Malgré la coupe de son uniforme, Nelson avait une allure fruste. Il avait sacrifié à la fois un bras et un oeil aux Dieux de la Guerre, de son vivant. Et pourtant, cela n'avait jamais emp^cheé les enfants Swift d'être sans réserve attachés à l'imposant personnage. Il y avait le coeur tendre d'un châton sous l'écorce bourrue.
A présent, Nelson flottait devant eux, caressant son menton d'un air pensif. A son côté, un troisième esprit se formait, le dernier esprit qui complètait le trio de leur alliés et confidents spectraux les plus proches : la reine Bodicéa s'incarnait, évanescente. Nelson toussota, gêné, et détourna poliment son regard de la nudité de la nouvelle arrivée. Bien que transparente, sa féminité brasillante restait une vision pour ainsi dire frappante.
Elle était morte au combat, et avait accompli un sortilège qui requerrait sa nudité, et bien que Tamara pensa qu'elle aurait pu choisir d'altérer son apparence, elle se disait aussi que Bodicéa devait en tirer une certaine fierté perverse.
Bodicéa ignora l'embarras de Nelson, et balaya plutôt la salle d'un oeil impérieux, pour se concentrer sur Tamara. "Conseil de Guerre ? Les minions de Balberith se lèvent pour nous attaquer à nouveau ?" Elle brandissait une lance menaçante pour souligner sa question.
"Je suis heureuse de le dire : non," Tamara commença. "Rien d'aussi terrible que cela ."
"Alors pas de démons ? " coupa Byron.
Tamara secoua la tête. "Pas que je sache. Des bébés métamorphosés, je le crains."
"Oh, hourra !", dit-il, en applaudissant avec bonheur, "Donc je peux vous laisser entre les mains plutôt compétentes de Lord Nelson et de la Reine Bodicéa pour retourner à ma composition. Je suis au beau milieu d'une strophe plutôt délicate. Est-ce que quelqu'un connaît un mot qui rime avec Ziggourat ?.
Quatre regards vides le contemplèrent.
"Bien sûr que non ," il soupira. Et à ces mots, il n'était plus nulle part, dispersé dans le vide. Traduction David Sicé
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